top of page

A Grasse, le réchauffement climatique impacte l’industrie du parfum

Le changement climatique affecte tous les aspects de nos sociétés: ici c'est la production de parfum qui est mise en danger

Dans l’univers du luxe, il existe un segment d’activité qui se trouve particulièrement exposé aux aléas du climat: la production de parfums haut de gamme. Les productions sont impactées, les prix explosent et de grandes pénuries mettent aujourd’hui en danger l’industrie du parfum.




Tempêtes tropicales, ouragans, fonte de glaciers, sécheresse, le GIEC a été clair: ces phénomènes vont s’amplifier pendant les prochaines années et il est urgent de mettre en place des dispositifs et des solutions pour limiter les dégâts. Tous les secteurs productifs seront impactés par les changements climatiques, et dans l’univers du luxe, il existe un segment d’activité qui se trouve particulièrement exposé aux aléas du climat: la production de parfums haut de gamme.

Sécheresse, cyclones, le dérèglement climatique impacte les récoltes


«Les grandes maisons sont en train de stocker des matières premières en prévision de possibles pénuries dans les années à venir», commente Benoit Verdier, qui avec Sylvie Loday et Olivier Royère a fondé la maison Ex Nihilo, désormais célèbre dans le monde pour ses fragrances personnalisées. Plusieurs ingrédients indispensables à la parfumerie sont en danger et leur production est fragilisée. «Un des plus importants producteurs de vanille est le Madagascar: 80% de la production mondiale vient de ce pays africain. Depuis plusieurs années, la sécheresse y fait des ravages. Le manque de pluie associé à des tempêtes tropicales de violence inouïe mettent en péril la production et les prix explosent», continue Benoit Verdier.


On peut en effet rappeler le cyclone qui a ravagé le pays en 2017, 30% de la récolte de vanille a été perdue, le prix a grimpé au-dessus des 600 dollars par kilo, un prix bien supérieur à celui de l’argent. Il faut trois ans pour que la vanille fleurisse; une fois ouvertes, ses fleurs jaunes et fragiles survivent à peine une douzaine d’heures avant de commencer à se faner. Dans ce petit intervalle temporel, il faut féconder la fleur, sous peine de ne pas produire de gousse. «Souvent, le prix très élevé des matières vient de la difficulté du travail et du temps nécessaire à obtenir les fragrances. Les fleurs les plus délicates et sensibles aux changements environnementaux sont en général celles dont la production comporte un savoir-faire hautement spécialisé», explique le parfumeur. «Nous nous approvisionnons en iris en Italie, précisément en Toscane. C’est dans cette région que pousse l’Iris Palida, une variété plus rare par rapport à l’Iris germanica communément employée en parfumerie. Coûteuse, la valeur oscille autour des 80 000 euros par kilo et elle peut arriver jusqu’à 100 000 euros.

La raison de ce prix? Il faut trois ans pour que la fleur arrive à maturité et puis encore trois ans pour qu’elle sèche de manière optimale. Il s’agit d’un temps très long pour les producteurs et les coûts sont donc incompressibles; si à cela s’ajoute le facteur des aléas climatiques, le produit peut se raréfier et son prix peut encore augmenter. Cette dynamique est en train de mettre en danger les petites maisons indépendantes de parfums, car les grandes maisons ont les moyens d’acheter des quantités importantes aux producteurs qui se sentent ainsi sécurisés dans une situation devenue instable.»


Quels dispositifs mettre en place?

Tempêtes tropicales, ouragans, fonte de glaciers, sécheresse, les rapports du Giec sont clairs : ces phénomènes vont s’amplifier pendant les prochaines années et il est urgent de mettre en place des dispositifs et des solutions pour limiter les dégâts.


«Les grandes maisons sont en train de stocker des matières premières en prévision de possibles pénuries dans les années à venir», commente dans Luxury Tribune Benoit Verdier, qui avec Sylvie Loday et Olivier Royère a fondé la maison de parfumerie Ex Nihilo.


«La vision romantique du parfum impose qu'il soit naturel», explique Verdier au Guardian . « Il y a du mysticisme autour d'un endroit comme Grasse, ça fait rêver. Mais ce n'est pas toujours durable ».

Les cultures à parfum demandent beaucoup d'eau et de terre. L'expédition de matières premières dans le monde entier entraîne également d'importantes émissions de carbone. « C'est plus durable de faire du parfum en laboratoire », affirme Verdier.

Les producteurs de Grasse ne sont pas d'accord. « En fait, nous consommons très peu d'eau », explique au Guardian Carole Biancalana, dont la famille cultive les fleurs à parfum depuis 4 générations. Les producteurs de la région utilisent l'irrigation au goutte-à-goutte, qui n'a représenté que 5 % de la consommation d'eau de la région PACA.

Les producteurs de Grasse ont déployé des efforts considérables pour que leurs cultures soient respectueuses de l'environnement. En 2006, Carole Biancalana fonde Les Fleurs d'Exception du Pays de Grasse, une association regroupant des producteurs de fleurs à parfum de ce coin du sud de la France. L'un de leurs principaux objectifs est que tous les producteurs soient biologiques pour assurer la protection de la biodiversité, qui, selon eux, est l'une de leurs plus grandes armes contre le changement climatique.

Les principales firmes de l'industrie ont déjà commencé à soutenir les producteurs locaux en investissant dans la recherche et les techniques d'adaptation, qu'ils savent essentielles pour l'avenir de leurs entreprises. Mais si les producteurs saluent ce soutien, certains se méfient des éventuelles conditions qui y sont attachées.

« La question pour nous est de savoir comment avoir le soutien de l'industrie sans perdre notre autonomie et notre souveraineté », déclare au Guardian***,*** Armelle Janody, actuelle présidente de l'association des producteurs de fleurs, qui craint que les entreprises n'exigent un plus grand contrôle sur les moyens de production sous prétexte de soutenir l'adaptation au climat.


Par Alexandre Irigoyen / Eva Morletto

Comments


bottom of page